
De l’Opération Wuambushu au Cyclone Chido: les Faces Cachées du Drame.
Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido a ravagé l’île comorienne de Mayotte, une île marquée par des fractures sociales et économiques profondes. Cet événement naturel a frappé de plein fouet une population vulnérable, vivant pour la plupart dans des bidonvilles insalubres, dépourvus d’infrastructures de base. Ce drame s’inscrit dans un contexte plus large de tensions coloniales et politiques liées à la présence française sur cette île annexée en 1841. En effet, Quels liens peut-on établir entre l’opération Wuambushu et les conséquences du cyclone Chido sur les populations vulnérables de Mayotte ? Dans quelle mesure la politique d’abandon de la France contribue-t-elle à la vulnérabilité et à la pauvreté persistantes à Mayotte ? Ces problématiques révèlent une continuité dans la précarisation des plus faibles et appellent à une réflexion sur les responsabilités historiques et actuelles.
1. Mayotte, une île comorienne sous occupation française
Mayotte, bien qu’annexée par la France en 1841, reste une partie intégrante de l’archipel des Comores, tant sur le plan culturel que linguistique et religieux. Cependant, cette occupation a engendré des divisions profondes, brisant l’unité des quatre îles sœurs. Alors que l’Union des Comores a accédé à l’indépendance en 1975, Mayotte a choisi de rester sous administration française, un choix souvent perçu comme une conséquence des pressions coloniales. Cette situation a favorisé un exode massif des populations des trois autres îles, Mwali, Ndzuwani, et Ngazidja, vers Mayotte. L’objectif principal : échapper à la pauvreté et aux instabilités politiques qui frappent l’Union des Comores. Ce flux migratoire constant a transformé Mayotte en une terre d’espoirs déçus, où la promesse de meilleures conditions de vie se heurte à la dure réalité de l’exclusion sociale et des bidonvilles en expansion.
2. L’opération Wuambushu : une lutte contre les plus vulnérables
Lancée en avril 2023, l’opération Wuambushu visait à lutter contre l’immigration clandestine à Mayotte. Ses actions, incluant la démolition des bidonvilles et l’expulsion des sans-papiers, ont principalement ciblé les migrants comoriens issus des autres îles. Ces populations, déjà marginalisées, se retrouvent encore plus fragilisées par une politique qui les prive d’un habitat, aussi précaire soit-il. L’impact humanitaire de cette opération est immense : des familles disloquées, des enfants laissés à eux-mêmes, éduqués dans la rue, et une montée des tensions communautaires. Avec le cyclone Chido, les conséquences de Wuambushu se font encore plus criantes, les sinistrés du cyclone étant, pour beaucoup, les mêmes que les victimes de cette opération. Cette double peine met en lumière les effets d’une politique française perçue comme discriminatoire et déshumanisante.
3. Cyclone Chido : un révélateur des inégalités sociales
Il convient de souligner que le passage du cyclone Chido a exposé une réalité sociale profondément inégalitaire à Mayotte. Alors que les habitations solides des populations privilégiées restaient intactes, les maisons des bidonvilles, construites avec des matériaux précaires, étaient réduites en poussière. La destruction de ces logements a entraîné des déplacements forcés de milliers de personnes, aggravant leur pauvreté et leur exclusion. Les sinistrés, majoritairement des « Comoriens sans papiers », sont désormais confrontés à une absence totale d’accès aux services de base comme l’eau potable ou l’électricité. Derrière cette catastrophe naturelle se cache une vérité politique : les habitants des bidonvilles, déjà marginalisés par Wuambushu, subissent une nouvelle vague de précarisation, alimentée par des décennies de négligence et de politiques d’abandon.
4. Wuambushu et Chido : deux visages d’une même injustice
Force est de convenir que l’opération Wuambushu et le cyclone Chido, bien que différents dans leur nature, partagent un point commun : ils ciblent indirectement les populations les plus vulnérables. Les bidonvilles de Mayotte, comme celui de Kawéni, concentrent des problématiques telles que la pauvreté, la violence, et l’absence d’accès aux services de base. Ces zones, déjà en proie à des tensions communautaires exacerbées par Wuambushu, ont été les plus touchées par Chido. Les sinistrés du cyclone et ceux de Wuambushu sont presque les mêmes, un constat qui illustre une continuité dans la précarisation des plus faibles. Cette double peine met en lumière la nécessité d’une approche humanitaire et inclusive, qui prend en compte les enjeux sociaux, politiques et environnementaux propres à Mayotte.
5. Une réflexion sur l’histoire coloniale et les responsabilités actuelles
Notons que la situation à Mayotte ne peut être dissociée de son histoire coloniale. L’annexion de l’île par la France, loin d’apporter prospérité et stabilité, a renforcé les divisions entre les quatre îles comoriennes. Les événements récents, qu’il s’agisse de Wuambushu ou de Chido, révèlent une continuité dans la marginalisation des populations vulnérables. Derrière ces catastrophes se cachent des réalités politiques profondément inégalitaires, alimentées par une exploitation des ressources naturelles et une absence de considération pour les besoins des habitants. La résolution des crises à Mayotte ne peut être séparée d’une réflexion sur l’histoire coloniale et les responsabilités de l’État français. Cette introspection est indispensable pour envisager un avenir où les droits fondamentaux des Mahorais, qu’ils soient citoyens ou migrants, soient enfin respectés.
6. Un drame partagé entre Mayotte et le président Azali Assoumani
Il est à rappeler que le cyclone Chido, décrit comme le plus puissant depuis les années 1930, a laissé des traces indélébiles dans la région, mettant en lumière à la fois la fragilité et la résilience des communautés. Aux Comores, bien que les dégâts matériels soient limités, le président Azali Assoumani a décrété une semaine de deuil national, en solidarité avec Mayotte, durement frappée par la catastrophe. Dans cette vieille île, les vents dépassant les 200 km/h ont causé un véritable chaos, exacerbant les enjeux logistiques et humanitaires. Selon la Croix-Rouge française, le bilan reste flou en raison des destructions massives. Les experts, comme Frédéric Leone, pointent une « politique d’abandon social » à Mayotte, où l’habitat précaire a aggravé les pertes humaines. Dans ce contexte de désolation, les leaders religieux ont joué également un rôle central, offrant un soutien spirituel et coordonnant les funérailles selon les rites musulmans. Ce drame rappelle l’urgence d’une action concertée pour mieux préparer ces territoires vulnérables aux inévitables catastrophes naturelles.
Pour conclure, nous affirmons que Wuambushu et Chido illustrent les deux faces d’une même réalité : l’abandon des plus faibles dans un contexte de tensions coloniales et sociales. Ces événements rappellent l’urgence d’agir pour répondre aux besoins des populations vulnérables tout en interrogeant les responsabilités historiques de la France à Mayotte. Alors que la résilience des habitants témoigne d’un espoir inébranlable, la question demeure : comment transformer cette double peine en une opportunité de justice et de réconciliation pour tous les Mahorais et les autres communautés ?
Abdillah Elarif, Doctorant en sociologie
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