HaYba LIBRE OPINION

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L’Origine du Mal Comorien : Cinquante (50) Ans, Après l’Indépendance.

« L’historien, n’est de plein pied qu’avec l’histoire de son propre pays, de sa nation, il en comprend presque d’instinct les détours, les méandres, les originalités, les faiblesses, jamais, si érudit soit-il, il ne possède de tels atouts quand il se loge chez autrui. » Fernand BRAUDEL de l’Académie Française. L’Identité de la France, Espace et Histoire.

Dans l’Afrique noire est mal partie, l’Agronome Français, de réputation mondiale, René Dumont s’inquiétait déjà en 1962 du goût excessif de l’Africain pour des dépenses somptuaires. Telle est la vraie racine du mal. Cette analyse vaut aussi pour notre pays.

Habitué, du plus riche au plus pauvre à vivre au-dessus de ses moyens, le citoyen comorien considère le patrimoine national, le bien d’autrui comme sa fortune personnelle. Ce qui donna naissance aux abus et méfaits de tous genres : comme les dépenses parfois excessives du grand mariage par exemple.

Un autre aspect de la dégradation de notre société, c’est la corruption. Il faut toujours offrir un pot-de-vin quand on sollicite une place, quand on veut gagner un appel d’offre. Il faut toujours glisser quelque chose quand on tombe sous le coup d’une contravention ou d’une amande.

C’est ainsi que le commerçant qui pratique la hausse illicite des prix sait qu’il ne risque rien même en période de ramadan car il aura toujours la possibilité de prendre des contacts auprès des services concernés afin d’annuler la sanction qui le frapperait.

C’est aussi vrai pour le fonctionnaire qui se laisse toujours corrompre : il pourra s’arranger pour s’en sortir, tous les moyens étant bons dans de pareilles occasions.

Loin de s’améliorer, la situation dénoncée par René Dumont, depuis 1962, demeure toujours d’actualité. Tout comme ses autres thèses, prophétiques d’ailleurs. La fonction publique, par exemple, existe par défaut : un relâchement très net se manifeste de plus en plus chez la quasi-totalité des fonctionnaires, employés ou agents de l’ETAT.

Dans la majorité des bureaux administratifs jusque dans les services centraux des différents ministères, règnent un tel laisser- aller et une négligence que les esprits les moins avertis et les moins conscients s’alarment et s’inquiètent vivement du fonctionnement de notre administration publique : le sens de la discipline, de la subordination, de la hiérarchie qui, à l’époque coloniale, marquait du plus noble cachet les fonctionnaires comoriens, s’émousse chaque jour depuis notre indépendance et a donné place à l’insolence, à l’incorrection, à la désobéissance.

Rares sont les fonctionnaires qui consacrent tout le temps réglementaire dans leur fonction : les sorties de bureau, les retards non motivés et les absences irrégulières sont monnaie courante, le zèle et le dévouement sont devenus des notions abstraites.

Dans bien des cas, le travail est hâtivement mal fait car les fonctionnaires n’apportent plus à l’exécution du service, l’enthousiasme et le souci de perfection qui caractérisent la mission dont ils sont chargés.

Il faut donc rechercher les vraies raisons d’un tel constat dramatique et tenter d’y porter remède.

La déclaration française des droits de l’homme et du citoyen date de 1789. Comparée à l’administration européenne vieille depuis des siècles constamment en quête de perfection et d’efficacité, la jeune administration comorienne qui s’enrichit chaque année d’un nombre croissant des jeunes cadres bardés de prestigieux diplômes en est à son premier âge. Le fait qu’elle soit donc déjà paralysée avant l’âge s’expliquerait plutôt par la vermine interne qui altère ses vertus soit au nom d’une conception spécifique comorienne de l’administration souvent considérée comme une rente personnelle au lieu d’être une charge publique assumée avec honneur et dignité, soit au nom d’un certain pouvoir autocratique utilisé à leur guise par les fonctionnaires au profit des trafics d’influences et des règlements de comptes multiples ; soit enfin au nom de vils sentiments préventifs d’intolérance, mus par certains complexes individuels et d’incompétence refoulés du genre « ce pouvoir est le nôtre ».

En bannissant le mythe d’autosatisfaction personnelle et son corollaire qui est le mythe d’infaillibilité humaine, il s’agit ensuite de construire les fondations d’une authentique identité culturelle nationale comorienne. Car, tout ce dont souffre notre pays aujourd’hui, n’est autre que les conséquences de notre culture nationale. Seule la culture nationale nous aidera à exclure de notre esprit, le favoritisme, le régionalisme et le fameux « équilibre des îles » c’est la culture nationale qui conditionnera le développement. Sans une solide culture nationale, aucun développement humain n’est possible.

En cinquante (50) ans d’indépendance, les comoriens pouvaient beaucoup faire. Il ne leur a manqué que le fonds culturel essentiel, plus prospère à nul autre.

Nietzche et Hegel, bien avant nous, avaient pensé à cette problématique. Pour le premier, « le malheur de l’homme est d’avoir été enfant. » Pour le second, « le berceau de l’enfant est le tombeau des parents. ».

Cependant, le comorien doit savoir s’il entend demeurer éternellement bon enfant à ne rien faire ou bien transcender son adolescence et léguer à son enfant l’héritage culturel qu’il mérite.

Cinquante (50) ans d’indépendance représentent l’âge de la maturité et autorisent un saut frontal de l’histoire.

Professeur Djaffar MMADI, Universitaire, Ancien ministre

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