HaYba WEEKEND MAGAZINE®

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.Monde SwahiliPremières Analyses ADN de la Civilisation Swahili Enfin RévéléesL’étude révèle qu’aux alentours de l’an 1000, un flux de migrants en provenance d’Asie du Sud-Ouest s’est mélangé avec les populations africaines le long de la côte Swahili, contribuant à près de la moitié de l’ascendance des individus analysés.

Elle confirme également que les fondements de la culture Swahili n’ont subi aucun changement, malgré l’arrivée des nouveaux venus et la prédominance de l’Islam.Nous y sommes. L’intuition profonde qui a suscité mes questionnements, douloureux pour la plupart, alors que je m’émerveillais devant les vestiges de Gedi au Kenya, sur la côte de l’océan Indien, trouve maintenant une signification importante. Depuis «Mes premiers pas dans la côte Swahili médiévale» récit-série publié en 4 parties dans HaYba Weekend Magazine® en octobre dernier http://bit.ly/3UaCfpF , le besoin d’explorer en détails tous les aspects de la civilisation Swahili antique commençait à se manifester dans ma chair.

Les véritables hommes et femmes qui ont façonné la civilisation Swahili, entrent enfin, j’ose l’affirmer, dans une phase de reconnaissance, une phase de réhabilitation. Pour ceux qui écrivent l’histoire, les Swahili ne pouvaient pas naître des premiers habitants de cette Afrique. Le Haut Moyen Âge de la côte Swahili reste enveloppé de mystère, une période complexe et très peu documentée, source d’un éternel débat sur les origines de la civilisation Swahili (période comprise entre l’Antiquité et le Moyen Âge central, 476 ap. J.C. – 1000 ap. J.-C.).

C’est précisément cette période qui suscite le plus de débats dans la communauté des chercheurs et est source de fantasmes dans son acception populaire moderne. Entre les années 896 et 1145*, la période où les peuples pasteurs africains étaient déjà en contact avec les locuteurs de langues bantoues depuis l’an 274*, a également été marquée par les premières interactions entre ces populations et des peuples non africains, tels que les Perses et les Indiens.Les populations urbaines de la côte Swahili ont pratiqué le commerce à travers l’Afrique de l’Est et l’océan Indien, et ont été parmi les premiers praticiens de l’Islam parmi les peuples subsahariens vers le début du premier millénaire.

En dépit de l’hypothèse historique retenue par ceux qui s’arrogent l’exclusivité de la descendance Swahili, à savoir que sa civilisation serait essentiellement issue d’une culture arabe importée et dépourvue d’influence africaine, en réalité les chercheurs ne savent pas dans quelle mesure ces premières interactions entre Africains et non-Africains ont été accompagnées d’échanges génétiques. Depuis un siècle, les archéologues, les anthropologues et les linguistes s’interrogent sur l’influence des personnes extérieures à l’Afrique sur la culture et l’ascendance Swahili. Cependant, la relation entre les Swahili actuels et ceux de l’époque moderne reste floue. Malgré de nombreuses études, la question reste débattue.

Non seulement les communautés Swahili ont leur propre histoire, mais en outre les preuves sont loin de s’avérer concluantes.Depuis octobre 2022, dans «Mes premiers pas dans la côte Swahili médiévale» j’ai mentionné une étude en cours sur des analyses ADN de vieux ossements. Elle vient finalement de révéler ses résultats. J’écris ces lignes pleinement consciente du virage historique né des travaux du professeur d’anthropologie Chapurukha Kusimba de l’université de Floride du Sud, et son équipe. Après des mois d’analyses, l’étude révèle qu’il y a eu un afflux de personnes originaires d’Asie du Sud-Ouest qui ont migré vers la côte Swahili durant le Moyen Âge et l’époque moderne, et ont eu des enfants avec les habitants locaux.

Elle montre également que la culture Swahili avait une identité propre avant l’arrivée de ces migrants.Le premier flux de migrants avait environ 90% de l’ascendance des hommes persans et 10% de l’ascendance des femmes indiennes. Bien que des artefacts associés à l’Asie du Sud soient bien documentés dans les sites archéologiques Swahili et que des mots indiens aient été intégrés dans la langue Swahili, personne n’avait précédemment émis l’hypothèse d’un rôle significatif des Indiens dans la contribution génétique aux populations des villes Swahili médiévales.En l’an 1000*, les hommes Perses et les femmes Africaines étaient les principaux contributeurs génétiques des populations de la côte Swahili. Bien que les déséquilibres entre les sexes soient souvent associés à des mariages forcés, cette hypothèse ne correspond pas à la tradition matriarcale des sociétés Swahili. Selon les chercheurs, ces hommes se sont mariés dans les familles de leurs alliés commerçants et ont adopté les coutumes locales pour asseoir leur intégration et faciliter leur réussite commerciale. Les enfants issus de pères persans et de mères africaines de la côte Swahili, ont été élevés avec la langue et la culture de leur mère. Les traditions matriarcales sont restées intactes même après que les locaux se soient mariés avec des personnes originaires de régions de tradition patriarcale, ici la Perse et l’Arabie.

Cela suggère que la culture Swahili était suffisamment forte pour résister aux influences extérieures et maintenir son identité propre.On constate aussi que la proportion d’ascendance persano-indienne a diminué au cours des derniers siècles. Pour ceux qui s’identifient comme Swahili et dont le génome a été analysé au Kenya actuel, les auteurs ont constaté que beaucoup étaient « génétiquement très différents » des habitants de la région pendant le Moyen Âge, tandis que d’autres conservaient une ascendance médiévale substantielle.Pour 80 individus provenant de 6 villes côtières médiévales et de l’époque moderne (1250-1800*) et d’une ville intérieure après 1650*, plus de la moitié de l’ADN d’individus des villes côtières provient principalement d’ancêtres femmes originaires d’Afrique et comprennent une grande proportion de l’ADN, parfois plus de la moitié, provenant d’ancêtres asiatiques. L’ascendance asiatique comprend des composants associés à la Perse et à l’Inde, avec 80 à 90% de l’ADN asiatique provenant d’hommes persans.

Avant environ 1500*, l’ascendance d’Asie du Sud-Ouest était principalement liée à la Perse, ce qui est conforme au récit de la Chronique de Kilwa**, la plus ancienne histoire racontée par les habitants de la côte Swahili. Ces travaux contredisent le narratif colonial selon lequel les Africains n’ont contribué en rien au fondement et à la prospérité des cités Swahili. Les nouveaux venus d’Asie ont trouvé une civilisation forte qui a toujours su garder sa spécificité. L’arrivée des nouveaux migrants et par la suite la prédominance de l’Islam dans la région, n’ont pas ébranlé ses fondements. La langue principale, l’architecture des tombes, la cuisine, la culture des matériaux, l’artisanat, la résidence conjugale matrilocale et la parenté matriarcale ont conservé leur origine africaine et bantoue.

Arlenis Ali

*Dates et périodes citées dans l’étude.

**Sur les chroniques de Kilwa http://bit.ly/3MbOPDgL’étude est disponible en libre accès et en intégralité sur le site de la revue scientifique Nature, «Entwined African and Asian genetic roots of medieval peoples of the Swahili coast» https://doi.org/10.1038/s41586-023-05754-wMes Premiers pas Dans la Côte Swahili Médiévalehttp://bit.ly/3UaCfpFPhoto : Comores, septembre 2015. ©MSAM#swahilination#science#anthropologie#dna

HaYba FM la Radio Moronienne du Monde

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