HaYba DROIT DES IMMIGRÉS

HaYba DROIT DES IMMIGRÉS

Une Victoire de l’Avocate Maliza Saïd Soilihi

Mme A, ressortissante comorienne, défendue par Me Maliza Saïd Soilihi, a obtenu gain de cause devant le tribunal administratif de Nantes. Mme A s’était initialement vu refuser sa demande de visa pour accompagner son enfant français en France.

Assistée par Me Maliza Saïd Soilihi, elle a engagé un recours. Le tribunal administratif de Nantes, dans une décision rendue le 16 juin 2025, a estimé que le refus du consulat de France à Moroni méconnaissait l’intérêt supérieur de l’enfant, garanti par les conventions internationales.

Me Maliza Saïd Soilihi, avocate de la requérante, revient pour HaYba sur cette victoire juridique et ses implications.

Comment accueillez-vous cette décision du Tribunal administratif de Nantes ?

Avec un grand soulagement, mais aussi une certaine amertume. C’est une victoire importante, car elle réaffirme des principes fondamentaux, notamment le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Mais il est regrettable qu’il ait fallu en arriver à un contentieux pour obtenir ce qui relève de l’évidence humaine et juridique.

La décision initiale mentionnait un manque de ressources financières suffisantes. Pourquoi cet argument a-t-il été écarté par le juge ?

Parce que le juge a justement rappelé que l’obligation de moyens matériels ne peut être placée au-dessus des droits fondamentaux d’un enfant. L’intérêt de l’enfant d’être élevé par sa mère ne saurait être subordonné à une condition de revenus. Le juge a estimé que ce motif n’était pas pertinent au regard des engagements internationaux de la France. C’est une jurisprudence constante du tribunal administratif de Nantes depuis une décision de 2023 : la condition de ressources ne peut être opposée aux parents de citoyens français.

Sur quels fondements juridiques le tribunal a-t-il principalement appuyé son jugement ?

La décision s’appuie sur plusieurs textes, notamment l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant, qui consacre l’intérêt supérieur de l’enfant comme une considération primordiale. Il y a également une référence au droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Pourquoi l’intérêt supérieur de l’enfant a-t-il été déterminant dans cette affaire ?

Parce qu’il s’agissait d’un enfant français, en bas âge, et qu’on interdisait ainsi à sa mère de nationalité comorienne de voyager avec lui, sans justification sérieuse. Le juge a considéré que ce refus de visa portait atteinte aux droits de l’enfant et qu’aucune raison impérieuse ne justifiait cette atteinte.

La défense a tenté une substitution de motifs. Que cela signifiait-il concrètement et pourquoi cela a-t-il été rejeté ?

La substitution de motifs est une tentative de l’administration de justifier a posteriori sa décision par d’autres raisons que celles initialement invoquées. En l’espèce, elle a essayé d’introduire de nouveaux arguments pour justifier le refus de visa long séjour. Le tribunal l’a refusé, estimant que cela portait atteinte aux droits de la défense et n’était pas compatible avec les circonstances de l’affaire.

Est-ce courant que l’administration française rejette des visas parentaux dans ce type de cas ?

Malheureusement oui, surtout lorsqu’il s’agit de ressortissants comoriens ou d’autres nationalités africaines. On observe une tendance à appliquer ces règles de manière stricte, parfois aveugle, sans tenir compte des situations humaines individuelles. C’est inquiétant.

Le tribunal s’est appuyé sur la Convention internationale des droits de l’enfant. La France respecte-t-elle toujours ses engagements en la matière ?

Sur le papier, oui. Mais dans la pratique, ce n’est pas toujours le cas. Les décisions administratives ne tiennent pas systématiquement compte de ces engagements internationaux, ce qui oblige les familles à saisir les tribunaux pour faire valoir des droits fondamentaux.

Pensez-vous que cette affaire révèle un traitement discriminatoire envers certaines nationalités, notamment les Comoriens ?

Oui, clairement. Les Comoriens sont souvent victimes d’une suspicion systématique. On perçoit une stigmatisation structurelle, alors même que les situations individuelles mériteraient un examen plus humain et plus équitable. Pour rappel, les Comores ont le plus fort taux de refus de visa sur l’ensemble des chancelleries françaises dans le monde.

Quelle a été l’atteinte ou l’impact psychologique de cette procédure sur Mme A et son fils ?

Mme A a vécu une grande détresse. Elle ne comprenait pas pourquoi on lui refusait le droit d’être avec son enfant. Elle se sentait impuissante et injustement traitée. Quant à son fils, il a souffert de cette injustice. La procédure a duré 18 mois. Ce fut un long et pénible processus pour toute la famille.

Ce jugement va-t-il permettre à cette mère et son fils de se retrouver rapidement en France ?

Nous l’espérons vivement. Le tribunal a annulé la décision de refus de visa, ce qui signifie que l’administration doit la réexaminer en tenant compte des motifs retenus par le juge. Nous allons exercer une vigilance particulière pour que cela ne prenne pas des semaines supplémentaires.

Comment comptez-vous veiller à l’exécution rapide de cette décision ?

Nous adresserons si nécessaire une mise en demeure à l’administration pour qu’elle procède rapidement à la délivrance du visa. Si nécessaire, nous saisirons le juge de l’exécution. Nous ne laisserons pas cette décision rester lettre morte.

Avez-vous d’autres dossiers similaires en cours ? Que vous inspire cette victoire ?

Oui, malheureusement. Ce dossier n’est pas un cas isolé. Mais cette victoire montre qu’il est possible de faire reculer l’arbitraire, que le droit peut encore être un rempart. C’est un message d’espoir pour de nombreuses familles. Et pour moi, c’est aussi un rappel de l’importance de rester mobilisée pour la justice et la dignité humaine.

Propos recueillis par Tahamida MZE

HaYba Jumla Digital African Voice From Moroni

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