HaYba WEEKEND MAGAZINE®. Monde Swahili

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Postures de Pouvoir Sur la Côte Swahili

Lorsque les hommes de l’élite se préparaient pour les photos commémoratives des cérémonies islamiques, ils adoptaient les codes traditionnels devant l’objectif, reproduisant la posture cérémoniale. C’est flagrant dans le portrait de mariage d’un résident de la vieille ville de Mombasa (Photo M). Le négatif sur plaque de verre de cette photo est toujours conservé dans une collection familiale locale à Mombasa, même si on ne connaît plus l’identité du modèle. La prise de vue remonte probablement aux années 1910, une époque où il était habituel pour les futurs mariés, surtout les hommes, de passer par un studio local pour être photographiés en tenue de mariage. Pour les hommes aisés, cela signifiait le costume de cérémonie omanais, avec la robe « joho », le turban « kilemba » aux multiples couleurs, et le poignard cérémonial « jambia ».

Ce jeune homme tient aussi une épée, révélant son appartenance à une lignée locale influente aux droits politiques anciens. Dans ces portraits de mariage, les sujets s’installaient sur un « kiti cha enzi », une « chaise d’agence, de pouvoir et d’aptitude » fabriquée localement, la même chaise utilisée pour présenter le marié (et la mariée) au plaisir visuel des invités lors des célébrations réelles. Lors de la recréation photographique de ces moments, le modèle faisait face à l’objectif avec une posture expansive : les jambes écartées et les pieds fermement posés sur une estrade ou le sol. Cette position revêt une signification symbolique sur la côte Swahili, indiquant l’appartenance à la classe des wa-ungwana, les patriciens nés libres.

Les premières photos des hommes et femmes nobles de la côte Swahili les montrent dans cette position, présentant leur corps en position de pouvoir affirmé. La clé était d’avoir les jambes écartées et les paumes fermement posées sur les cuisses. Les femmes de la famille royale Busaidi adoptaient également ces postures de pouvoir (Photos K et L de l’article précédent)¹. On remarque la prestance et la maîtrise des patriciens alors qu’ils restaient assis le dos bien droit pendant des heures sur un « kiti cha enzi », toujours attentifs et en contrôle des autres. La mise en scène de soi-même, trônant et vêtu de beaux habits, était une performance d’affirmation personnelle.

Les caractéristiques picturales de la photographie permettaient aux gens de présenter les individus d’une manière nouvelle. Une photo de studio, conservée dans une collection familiale à Mombasa (Photo N), montre 7 hommes, mais seuls les 2 hommes trônant, Sheikh Mssellem et son fils, sont les sujets. Selon son arrière-arrière-petit-fils, Mssellem s’est installé à Zanzibar en provenance d’Oman dans les années 1880 pour participer au commerce florissant des caravanes, prospérant en tant que commerçant et chef d’entreprise, d’abord à Zanzibar, puis à Mombasa.

Aujourd’hui, ses descendants voient cette photo comme une preuve de sa richesse, surtout de sa capacité à rassembler un grand nombre de dépendants, des personnes redevables. Lui et son fils, probablement les commanditaires de la photo, étaient des hommes libres aisés, tandis que les deux hommes debout et les trois jeunes garçons, assis en tailleur sur le sol du studio sur la photo, n’étaient ni libres ni semi-autonomes. Une fois photographiés, leurs corps devenaient des objets, des symboles de l’autorité de Sheikh Mssellem sur les corps des autres, ses sujets.

Arlenis Ali

¹Ali, A (2023). Portraits Rares de Zanzibar: les Femmes de la Dynastie al-Busaidi. Hayba Weekend Magazine https://www.facebook.com/share/p/raVauT1QBXePqowU/?mibextid=WC7FNe

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