HaYba WEEKEND MAGAZINE®. Monde Swahili

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Zanzibar et Ngazidja: Deux Îles aux Destins Croisés

Les îles de Zanzibar en Tanzanie et de Ngazija aux Comores ne sont éloignées que d’environ 644 kilomètres. Les navires de commerce locaux et longue distance effectuaient régulièrement le voyage entre elles bien avant que Sayyid Sa’id, Sultan d’Oman, ne transfère sa cour à Zanzibar en 1840. Déjà en 1841, de 90 à 100 bateaux par an assuraient le commerce en direction du sud, de Zanzibar vers les Comores, le Mozambique et Madagascar¹. Dès la fin du 18e siècle², on comptait également quelques artisans et commerçants comoriens installés sur l’île.

Les sultans Swahili de Zanzibar, dont le pouvoir avait été considérablement réduit par l’établissement de la dynastie Bu Sa’idi, partageaient des lignées patrilinéaires sharifes avec l’aristocratie comorienne. Ces liens de parenté facilitaient les échanges et l’installation de sharifes comoriens à Zanzibar si l’occasion se présentait. L’arrivée de Sayyid Sa’id à Zanzibar marqua le début d’une période de renforcement du commerce et de l’importance politique pour l’île, aboutissant finalement à la colonisation européenne.

Cette période coïncida pour les Comoriens avec une série d’événements internes qui rendirent l’émigration attrayante pour beaucoup. Entre les années 1790 et 1820, les esclavagistes malgaches avaient attaqué l’archipel à plusieurs reprises. À Ngazidja, la compétition pour la suprématie entre les sept sultanats de l’île devint de plus en plus agressive entre 1830 et 1850³. De nombreux individus, appauvris ou fatigués de participer de force aux campagnes de leurs sultans, prirent la décision de partir pour Zanzibar.

L’importance grandissante des Comoriens à Zanzibar s’explique par la façon très personnelle dont le sultanat était administré sous Sayyid Sa’id et ses successeurs immédiats, Majid et Barghash. Ces trois dirigeants étaient des princes marchands pour lesquels il n’existait guère de distinction formelle entre leur richesse personnelle et les finances publiques. Le gouvernement, selon le Consul Hamerton en 1855, relevait d’une « …nature purement patriarcale ».

Le sultan gouvernait à travers des séances quotidiennes de baraza (cour) ouvertes à tout homme de stature. Il s’appuyait sur trois groupes importants d’hommes plutôt que sur des ministres formels. L’approbation des chefs des clans Umani de Zanzibar était essentielle pour l’adoption de nouvelles mesures. L’avis des leaders religieux était tout aussi crucial : des kadis Ibadhi et Shafi’i étaient nommés, et le sultan évitait d’être perçu comme un leader religieux¹.

Enfin, un petit groupe hautement influent regroupait les secrétaires, chambellans et traducteurs du sultan, qui maîtrisaient l’arabe et diverses langues européennes. Plusieurs Comoriens occupèrent ces fonctions, comme en témoigne Mkelle, et leur importance fut relevée par Guillain. Décrivant Khamis bin Osman, un Swahili de Lamu ayant appris l’anglais en tant qu’assistant d’Owen au début du siècle, Guillain souligna la grande dépendance du Sultan à son égard et nota que « la mort de Khamis pourrait provoquer une révolution dans les relations extérieures de Zanzibar* ».

Finalement, il est crucial de souligner la rapide swahilisation de la cour d’Umani. La plupart des hommes d’Umani étaient mariés à des femmes locales, et même Sayyid Sa’id n’avait qu’une seule femme arabe. Le kiSwahili devint la langue de la cour à partir des années 1840, tandis que la culture urbaine Swahili dictait les normes de la vie quotidienne*.

Le premier témoignage que nous possédons concernant les Comoriens au service d’un Sultan de Zanzibar concerne le recrutement d’un détachement de soldats des Comores pour les campagnes de Sayyid Sa’id contre Siyu entre 1839 et 1845. Les îles Ngazidja et Mwali fournirent des soldats pour cette expédition¹, les deux îles des Comores que Sa’id revendiquait comme faisant partie de ses domaines**. Certains de ces soldats sont sans doute restés à Zanzibar, puisqu’après 1856, 130 Comoriens furent choisis comme garde du corps personnel de Sultan Majid, et un Comorien devint également chef de la police.

La valeur des Comoriens pour Majid résidait probablement dans le fait qu’ils n’appartenaient à aucun des clans Umani de l’île – certains étant farouchement opposés à sa sélection en tant que sultan – et qu’ils étaient peu susceptibles de soutenir le Mwenye Mkuu, le sultan Swahili de l’île dont le pouvoir avait été presque usurpé par la dynastie Bu Sa’idi. Pour la même raison, les secrétaires du palais étaient souvent des individus nés à l’extérieur de Zanzibar.

Arlenis Ali

¹Nicholls, C.S. (1971) The Swahili Coast: Politics, diplomacy and trade on the East African littoral, 1798-1856.²Saleh, I. (1936) A short history of the Comorians in Zanzibar, Dar es Salaam, Tanganyika Standard.³Shepherd, G. (1980). The Comorians and the East African slave trade. Asian and African systems of slavery.*Guillain, C. (1856). Documents Sur l’Historie, La Géographie, et Le Commerce de La Côte Orientale d’Afrique, 3 vols. Paris: Arthus Bertrand, 57.**Dubins, B. D. (1972). A political history of the Comoro Islands, 1795-1886. Boston University Graduate School.

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