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Des Comoriens Migrateurs à Zanzibar: Entre Origines Nobles et Métiers Humbles

Selon le manuscrit de Mkelle¹, il apparaît que la plupart des officiers comoriens de l’armée de Zanzibar, les personnalités religieuses et les clercs de la cour du sultan étaient issus de groupes de descendance sharif ou de la classe moyenne supérieure aux Comores. Les individus qui exerçaient en tant que traducteurs ou chefs de file à Zanzibar avaient probablement acquis leurs compétences linguistiques grâce au commerce aux Comores et ailleurs, et partageaient donc des origines similaires, appartenant à la classe marchande par excellence.

Néanmoins, notons que Burton², dans ses écrits, dédaigne certaines des personnes comoriennes qui, « après avoir obtenu une place à bord de nos navires de guerre, insistaient pour que la garde soit déployée et réclamaient de nos compatriotes crédules tous les honneurs de la royauté, mais qui se sont avérés être en réalité des cuisiniers ou des vendeurs ambulants ».

Le manuscrit de Mkelle et les notes de terrain mettent en lumière que des individus de noble naissance pouvaient être retrouvés à des postes que les Européens de l’époque pouvaient considérer comme moins prestigieux. La raison réside en partie dans l’âge et le statut de migrant de ces Comoriens. Les jeunes hommes comoriens, à partir d’environ onze ans, se rendaient à Zanzibar où ils travaillaient comme domestiques pour des Européens ou s’engageaient dans le secteur de la construction, indépendamment de leur appartenance à des groupes familiaux comoriens importants. Une fois qu’ils avaient épargné un peu d’argent et acquis une certaine expérience à Zanzibar, ainsi qu’une connaissance d’une langue étrangère, ils pouvaient alors accéder à des postes plus en accord avec leur statut social d’origine. De plus, les emplois considérés comme acceptables à Zanzibar, avec le sultan, des Omanais fortunés ou des Européens comme employeurs, auraient été jugés inappropriés pour un Comorien sur son île natale.

Par ailleurs, une tendance a persisté, depuis Burton jusqu’à nos jours parmi les spécialistes de l’Afrique de l’Est, à sous-estimer le rôle du commerce. En réalité, de nombreux Comoriens importants, qu’il s’agisse de figures religieuses de haut rang ou de personnes plus modestes, étaient également des commerçants, et leur richesse renforçait leur influence dans d’autres domaines. Mkelle rapporte un cas d’un officier comorien de l’armée du sultan qui a démissionné pour devenir un vendeur ambulant. Là où un gentleman anglais aurait considéré que s’adonner au commerce était une occupation socialement inférieure, pour un Swahili ou un Comorien de la classe moyenne, il était considéré comme la seule activité véritablement honorable.

De plus, des Comoriens plus modestes, qu’ils soient d’origine libre ou affranchis de l’esclavage comme le mentionne Burton, de l’île de Mayotte³, se sont rendus à Zanzibar à bord de l’un des nombreux dhows qui effectuaient le voyage en saison. Je n’ai pas trouvé d’informations concernant la présence des Mahorais (originaires de Mayotte) à Zanzibar au 19e siècle, bien que leur nombre ait été réduit au 20e siècle. Néanmoins, il est manifeste que les Comoriens moins fortunés de Ngazidja ont saisi des opportunités croissantes de se rendre à Zanzibar, en particulier s’ils étaient originaires de l’une des villes du sultanat situées sur la côte ouest de l’île, là où le commerce international faisait escale. Ces villes étaient caractérisées par une endogamie presque totale, avant l’arrivée des routes goudronnées au milieu du 20e siècle, ce qui signifie que de nombreux hommes des villes commerçantes liées à Zanzibar pouvaient, avec le temps, revendiquer des liens familiaux ou d’affinité avec des personnes déjà installées à Zanzibar, devenant ainsi leurs hôtes pendant un certain temps, tandis qu’ils recherchaient un emploi.

Les personnes originaires de la même ville et du même sultanat aux Comores avaient tendance à s’installer à proximité les unes des autres à Zanzibar. Elles élisaient un individu de naissance noble parmi elles comme leur « cheikh » (représentant) et continuaient à privilégier des mariages endogames avec leur ville d’origine, comme cela se pratiquait auparavant*. Dans ces conditions, les Comoriens moins fortunés étaient bien positionnés pour profiter des opportunités offertes par les positions de supériorité que quelques-uns d’entre eux avaient déjà atteintes.

Arlenis Ali

¹Guillain, C. (1856). Documents Sur l’Historie, La Géographie, et Le Commerce de La Côte Orientale d’Afrique, 3 vols. Paris: Arthus Bertrand

²Burton, R.F. (1872, i:326, 341). Zanzibar: City, Island, and Coast. ³Bien que les esclaves affranchis de Mayotte étaient théoriquement libres de voyager à l’étranger, en pratique la plupart d’entre eux sont devenus, et sont restés, travailleurs sous contrat dans les plantations de sucre françaises de l’île jusqu’à une période bien après l’époque où Burton écrivait. Voir Shepherd, G. (1980). The Comorians and the East African slave trade. Asian and African systems of slavery. p 82-83*Saleh, I. (1936) A short history of the Comorians in Zanzibar, Dar es Salaam, Tanganyika Standard. p 6-7

Dans la même rubrique :•Des Comoriens à Zanzibar au XIXe sièclehttps://www.facebook.com/share/p/gR5KFj14Tpcz2gEy/?mibextid=WC7FNe

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