L’Afrique Au Commencement de l’Art
Il y a 77 000 ans, dans une grotte au bord d’une falaise dominant l’océan Indien, un artisan s’installa à la pointe sud de l’Afrique. C’était un lieu splendide, un atelier doté d’une magnifique fenêtre naturelle, rafraîchi par la brise estivale et réchauffé par un petit feu hivernal. Le sommet de la falaise était orné d’un buisson à fleurs blanches, précurseur de ce qui serait plus tard appelé blombos, donnant ainsi à cet endroit le nom de Grotte Blombos.
L’individu, notre ancêtre, prit une pierre brun rougeâtre, polie à une longueur d’environ 8 centimètres. À l’aide d’une pointe en pierre, il grava un motif géométrique sur la surface plate, composé de hachures simples encadrées par deux lignes parallèles, avec une troisième ligne au centre.
Aujourd’hui, la pierre ne révèle aucun indice quant à son utilité d’origine. Elle pourrait avoir été un objet religieux, un ornement, ou simplement un ancien gribouillage. Cependant, son aspect immédiat laisse peu de doutes quant à son origine humaine. Sculpter cette pierre était une activité profondément ancrée dans notre humanité.
Les incisions sur ce fragment de grès ocre rougeâtre représentent le plus ancien exemple connu d’un dessin élaboré réalisé par un être humain. La capacité de créer et de communiquer au moyen de tels symboles, comme l’indique Christopher Henshilwood, chef de l’équipe ayant découvert la pierre, est « un indicateur indiscutable » de l’humanité moderne, l’une des caractéristiques qui nous distinguent de toutes les autres espèces, qu’elles soient vivantes ou éteintes.
Henshilwood, archéologue à l’Université de Bergen en Norvège et à l’Université du Witwatersrand en Afrique du Sud, a trouvé cette sculpture sur les terres de son grand-père, près de l’extrémité sud du continent africain. Au fil des années, il avait identifié et fouillé neuf sites sur la propriété, aucun n’ayant plus de 6 500 ans, et n’était pas initialement attiré par cette grotte sur la falaise à quelques kilomètres de la ville sud-africaine de Still Bay. Cependant, ce qu’il y découvrit allait changer la manière dont les scientifiques perçoivent l’évolution de l’homme moderne et les éléments qui ont peut-être déclenché l’événement le plus crucial de la préhistoire humaine, lorsque Homo sapiens quitta sa terre natale africaine pour coloniser le monde.
Cette grande migration plaça notre espèce dans une position de domination mondiale qu’elle n’a jamais quittée depuis, signalant par la même occasion l’extinction de tout concurrent restant : les Néandertaliens en Europe et en Asie, quelques poches éparses d’Homo erectus en Extrême-Orient et, si les chercheurs décident qu’ils sont une espèce distincte, certains habitants de petite taille de l’île indonésienne de Flores. Lorsque la migration fut achevée, Homo sapiens était le dernier, et le seul, être humain debout.
Arlenis Ali
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